Laura Waddington

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La sereine colère de Laura Waddington

Par Eric Chauveau

Laura Waddington n’aime pas parler d’elle. La cinéaste de 34 ans, native de Londres, préfère qu’on parle de ce dont parlent ses films et plus particulièrement, à l’occasion de sa venue à La Rochelle, de ce dont traite Border. Ce documentaire de 27 minutes, concernant les réfugiés de Sangatte, sera projeté samedi après-midi à la médiathèque (entrée libre) à l’initiative de l’association Escales documentaires dans le cadre des semaines d’éducation contre le racisme. Ce film fut une révélation très remarquée en août 2004, au festival de Locarno. Il questionne, tant sur la forme que sur le fond, deux domaines que Laura Waddington refuse de séparer, méfiante qu’elle est des formats TV et des documentaristes ou journalistes “embedded” (embarqués), en référence à la deuxième intervention anglo-américaine en Irak. « Cela a aussi été le cas pour Sangatte », assure-t-elle. Pas pour autant donneuse de leçons et pas plus militante, la jeune femme insiste sur le fait que Border est d’abord une volonté d’aller là où les autres n’allaient pas. Avec pour seule caméra un petit appareil numérique dont raffolent les touristes. Laura Waddington a suivi, entre mars et fin décembre 2002, des réfugiés afghans ou irakiens qui tentent de rejoindre l’Angleterre.

Avant, il a fallu gagner leur confiance pour des heures de tournage, de nuit, dans les champs, mais aussi lors d’opérations de police. Alors que les images composent une étrange chorégraphie, née de la réalité, de l’éclairage (en rapport avec les limites de la caméra) et de l’intérêt que Laura Waddington porte à l’expérimentation, un commentaire, sans concession s’inscrit en bas de l’écran. Alors qu’il serait possible de chercher une contradiction entre les silhouettes fantomatiques d’êtres humains réduits à l’état d’animaux traqués et la force du propos, les deux se complètent.

«Lorsque j’ai fait ce film, j’étais très en colère contre la façon dont étaient traités ces réfugiés. Mais je n’ai pas voulu crier. Je suggère. C’est mon moyen de dire que c’est un crime. Quant au côté “esthétique” du film, j’ai beaucoup réfléchi à cette question mais, pour filmer un sujet cruel, faut-il le faire de façon laide ? »

Source

Chauveau, Eric. “La sereine colère de Laura Waddington.” Sud Ouest, Bordeaux, March 18, 2005.

(An English translation “The Serene Anger of Laura Waddington” is also available on Laura Waddington’s website.)

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